Conseil et vente phytos : le cabinet Triangle prédit « une dégradation rapide des résultats »
La mise en place de la séparation du conseil et de la vente pour les produits phytos a été actée pour 2021. Pour s’y préparer, le cabinet de conseil Triangle a travaillé sur le sujet pour Coop de France. Le point avec le consultant, Jean-Albert Massenet.
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À l’heure actuelle, les modalités pratiques de la séparation, qui doivent être précisées dans les référentiels, ne sont pas encore connues : sur quels constats baser une réflexion ?
Jean-Albert Massenet : « La trajectoire est écrite et il est plus que temps de se préoccuper des conséquences. L’objectif du gouvernement, c’est de faire baisser fortement l’utilisation de produits phytosanitaires. La marge phytosanitaire va fortement baisser, alors qu’elle est souvent très contributrice au résultat des coopératives. La fin des 3R (remises, rabais et ristournes sur les phytos) et le développement d’offres produit nu vont accélérer le phénomène. C’est un tremblement de très forte magnitude. Les attentes sociétales sont importantes sur ces sujets : une pro activité responsable vers une baisse des IFT sera un élément supplémentaire de convergence entre agriculteurs et consommateurs.
Comment aborder le choix entre vente et conseil ?
J.-A. M. : La question se pose au niveau de chaque entreprise, en fonction de son historique, de son sociétariat, de son environnement concurrentiel, du poids que représentent les produits phytosanitaires dans le chiffre d’affaires et de sa stratégie… Il faut évaluer précisément les conséquences économiques et organisationnelles de chaque décision. Dans tous les cas, quelle que soit l’option choisie, on va voir une dégradation rapide des résultats. Il faut donc retrouver des champs de rentabilité, notamment au niveau organisationnel : comment adapter la supply chain pour être plus agile, comment optimiser le fonctionnement avec des outils numériques, comment répondre à tous les besoins de tous les adhérents, en leur proposant une offre globale portée par une stratégie de services… Rien de très nouveau, mais il va falloir le mettre en place très rapidement, avec un engagement beaucoup plus fort.
Vous dites que la marge phytos va se réduire, faut-il dans ce cas choisir le conseil ?
J.-A. M. : Il faut prendre la question dans l’autre sens : est-ce que ce n’est pas dangereux de laisser un autre intervenant vendre des produits phytosanitaires chez mes adhérents ? Car c’est aussi pour lui l’occasion de proposer des engrais, des semences… Et la réflexion est la même pour le conseil. Dans tous les cas, il faut se préoccuper de celui qui optera pour l’option inverse et se remobiliser sur la valorisation des productions, par exemple avec des filières contractualisées, car c’est un levier puissant pour le revenu de l’agriculteur et pour un alignement d’intérêt renforcé entre l’adhérent et sa coopérative. Et au champ, travailler l’agronomie pour trouver les réponses techniques aux attentes sociétales et à l’optimisation des rendements.
Est-il envisageable d’avoir sur le même territoire une coopérative qui fait le conseil et une coopérative qui fait la vente ?
J.-A. M. : Oui, d’après les ordonnances c’est techniquement possible. Un agriculteur peut adhérer à deux coopératives ayant choisi chacune une option différente (vente ou conseil), car il ne représentera pas plus de 10 % de l’actionnariat. Au-delà des enjeux juridiques et statutaires, il faudra alors convaincre l’ensemble des adhérents d’adhérer à la nouvelle structure… Et de toute façon compenser le manque à gagner. C’est compliqué de recréer une coopérative ex nihilo : les agriculteurs vont-ils y adhérer ? »
Marion CoisnePour accéder à l'ensembles nos offres :